Sandra Chérès / Son travail

Sandra Chérès / Son travail

Si le cinéma est son univers de prédilection, c’est parce que c’est à Cannes, où ses parents se sont installés en 1969, que Sandra Chérès a passé son enfance bohême. Baignant dans un milieu très artistique, elle découvre le septième art à travers les nombreux amis artistes qui défilent à la maison, ainsi que son oncle, chorégraphe fameux et fondu de comédies musicales. Mais c’est sous les feux des projecteurs soudain braqués sur sa sœur aînée (de 7 ans)l’actrice Valérie Kaprisky, que la jeune Sandra approche ce monde au plus près. Aux paillettes de la Croisette, l’adolescente préfère le glamour des icones vintage, à la montée des marches assaillie par les groupies, les projections anonymes dans les salles obscures, qu’elle fréquente assidument lors du festival.

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Une enfant de la Côté d’Azur… Pétrie par l’effervescence culturelle de l’époque, Sandra Chérès se réclame aussi de cette Côte d’Azur de César, Ben et Picasso, celle des poteries de Biot et de la fondation Maeght. Maison ouverte aux artistes, jardin rempli de sculptures : la magnifique fondation de Saint-Paul-de-Vence, où son père, amateur d’art éclairé, l’emmène régulièrement, la fascine. Déjà, elle-même a la manie des collages. Ses doigts la démangent, ses velléités d’indépendance, aussi. A 15 ans, elle rejoint Paris, seule. Après un passage éclair en classe de seconde, elle intègre une école de publicité et d’histoire de l’art, puis s’essaye à plusieurs métiers de l’image : autant d’expériences qui portent en germe sa future démarche d’artiste.

Plans-séquences… Initiée au montage lors d’un stage en production de films publicitaires, Sandra Chérès monte depuis ses tableaux comme des plans-séquences d’un film. Ses missions d’assistante de casting director, puis de photographe de plateau l’ont sensibilisée aux visages et lui ont appris à recadrer leurs expressions. Quant à ses années de journaliste à Canal Plus dans une émission de cinéma, elles lui ont enseigné la force du témoignage. Les histoires qu’elle raconte depuis dans sa peinture et ses collages sont le reflet de sa vie. Sa matière première ? Des photos piochées dans les vieux magazines. Aux pages de Libé, ont succédé les Cinémonde (ancienne revue du cinéma français), puis les Paris Match des années soixante et soixante-dix.

Azur, noir et blanc… Ces clichés en noir et blanc, qui montrent l’envers du décor azuréen actuel, parlent d’une époque révolue qu’elle aurait rêvé connaître. Sandra Chérès les déchire, les arrache et les recontextualise, offrant à ces femmes iconiques (parfois réduites à une courbe de hanche, une bouche, des yeux alanguis…) une seconde vie, plus authentique. Elle y ajoute des mots ou des phrases, choisis dans une typographie qui évoque les affiches de rue. Contrastant avec le noir des salles obscures, une couleur _ rose baiser, rouge passion, mais aussi jaune, vert…_ vient également donner l’humeur du film.

9bis

Il y est toujours question d’amour, mais aussi d’humour.
Adepte du détournement, elle pixelise les images avec un bas résille, les enferme sous plexiglas, les ligote avec de la ficelle…

Art généreux… Mais, comme au cinéma, elle raconte toujours une histoire : elle la « refait » sur un support carré, du châssis de toile à la plaque de tôle perforée telle la pellicule, en passant par des palettes de bois ramassées dans la rue. Son maître-mot ? La récupération, que ce soit celle des journaux et des matériaux ou celle de ses souvenirs. Une façon aussi, de se rapprocher de l’art de la rue, un art généreux car accessible à tous.

Anne Berthod